mercredi, février 14, 2018

Amitié? Amour ?

Dans le fonds Octave Feuillet de la médiathèque, j'ai lu cette belle lettre.  .
 Cette lectrice  italienne enverra, dans un autre courrier,  son portrait photographié à l'auteur qu'elle admire tant .

Milano : Deroche e Heyland Corso Vittorio Emanuele 16 , nel 1867 concorsero all’Esposizione di Parigi meritando una medaglia d’argento



29 Septembre 1868


Comme je crains que vous m'ayez oubliée tout à fait j'ose, Monsieur, m'adresser encore à vous, pour me rappeler à votre souvenir. Il me serait très douloureux de briser une connaissance aussi chère que la vôtre, maintenant que je m'étais habituée à vous regarder comme un ami.
La première lettre que je vous ai écrite, était dictée par l'admiration ; à ce sentiment toujours aussi vif dans mon cœur, s'est jointe ensuite une amitié véritable. Vous avez été si bon pour moi, vous m'avez écrit des choses si affectueuses, que j'ai dû vous aimer.
J'éprouverai donc un grand chagrin si vous ne me donniez plus aucune de vos nouvelles, et, sincèrement, je ne pourrais pas me résigner à vous devenir tout-à-fait indifférente.
J'ai donné, il y a quelque temps, vos ouvrages à une dame qui ne vous connaissait pas. Cette lecture lui a causé tant de plaisir qu'elle a voulu absolument voir vos lettres et votre portrait. Ce n'est pas chose nouvelle pour moi que d'entendre prononcer votre nom avec enthousiasme, eh bien, que voulez-vous ? Cela me donne à chaque fois une joie si grande, si grande, que j'en suis heureuse pour longtemps. Je n'ai pas besoin de vous dire que l'admiration des autres trouve un écho centuple dans mon cœur.
Savez-vous ce qu'on a dit de votre photographie ? Que vous ressembliez à vos livres, qu'on ne saurait vous donner une physionomie différente. Quant à moi ce que je trouve de meilleur en vous c'est cette expression intelligente et sympathique, qui me captive l'âme.
J'espère, oh que j'espère, voir bientôt paraître un nouvel ouvrage de vous! Vos livres ne m'ennuient jamais;  toujours un grand principe, toujours des sentiments délicats et nobles qui élèvent l'âme et l'esprit, votre manière d'écrire voilà ce que j'appelle moi, l'art sublime d'un véritable écrivain !
Adieu Monsieur, laissez-moi vous admirer et vous aimer, et croyez à l'affection dévouée avec laquelle je suis toujours

Votre affectionnée
               Maria Dandolo


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Octave Feuillet (1821-1890) avait 47 ans à la réception de cette lettre .
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Lien ici / F. Heyland
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Une incitation à relire De l'Amour de Stendhal

Chapitre II

Voici ce qui se passe dans l'âme:
1- L'admiration
2-On se dit: Quel plaisir de lui donner des baisers, d'en recevoir, etc.!
3-L'espérance.
  On étudie les perfections; c'est à ce moment qu'une femme devrait se rendre, pour le plus grand physique possible. même chez les femmes les plus réservées, les yeux rougissent au moment de l'espérance. La passion est si forte, le plaisir si vif qu'il se trahit par des signes frappants.
4-L'amour est né.
Aimer, c'est avoir du plaisir à voir, à toucher, sentir par tous les sens, et d'aussi près possible un objet aimable et qui nous aime.
5- La première cristallisation commence.
  On se plaît à orner de mille perfections une femme  de l'amour de laquelle on est sûr, on se détaille tout son bonheur avec une complaisance infinie .

La première cristallisation commence. On se plaît à orner de mille perfections une femme de l’amour de laquelle on est sûr ; on se détaille tout son bonheur avec une complaisance infinie. Cela se réduit à s’exagérer une propriété superbe, qui vient de nous tomber du ciel, que l’on ne connaît pas, et de la possession de laquelle on est assuré. Laissez travailler la tête d’un amant pendant vingt-quatre heures, et voici ce que vous trouverez. Aux mines de sel de Salzbourg, on jette dans les profondeurs abandonnées de la mine un rameau d’arbre effeuillé par l’hiver ; deux ou trois mois après, on le retire couvert de cristallisations brillantes : les plus petites branches, celles qui ne sont pas plus grosses que la patte d’une mésange, sont garnies d’une infinité de diamants mobiles et éblouissants ; on ne peut plus reconnaître le rameau primitif. Ce que j’appelle cristallisation, c’est l’opération de l’esprit, qui tire de tout ce qui se présente la découverte que l’objet aimé a de nouvelles perfections.”

6 commentaires:

  1. Je repasserai car ce message mérite qu'on lui consacre du temps et de l'intérêt...
    J'ai bien reçu hier ta charmante enveloppe. Je te réponds aujourd'hui

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  2. Un billet bien ciblé pour le jour de la Saint Valentin.
    Je me demande si autant de temps est passé à la réflexion sur l'amitié et/ou sur l'amour comme il l'était par un petit nombre il faut avouer à une époque pas si lointaine après tout.
    La façon de voir les femmes à cette époque était bien différente qu'aujourd'hui, heureusement mais il y a encore des progrès à faire. Un Octave Feuillet somme toute bien romantique.
    C'est amusant j'avais pensé avoir lu ce livre mais non il s'agissait de 'La petite comtesse" le seul livre que j'ai lu d'O. Feuillet.

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  3. Amitié ou amour... C'est un grand dilemme. Montaigne et la Boétie ? Etait-ce de l'amour ou de l'amitié et leur communion n'a pas duré longtemps ne subissant pas l'usure du temps. Et le pb toujours est que l'un est souvent plus attaché que l'autre. De nos jours on a des mots pour analyser, il y a l'érotomanie (que semble vivre cette jeune femme / cet auteur qu'elle admire) ou le "ghosting" (qu’elle parait subir de sa part).

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  4. Erotomanie? Moi qui imaginais un amour cérébral!

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  5. Je n’ai jamais entendu parler du « gosthing »: qu’est ce donc?

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  6. Après avoir lu les deux définitions, je pense que ce n’est ni l’un ni lautre des deux cas.,

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