vendredi, avril 01, 2016

Découpages (2)







Petites reines
à 
Paris





et 
aux 
bains de mer






"C’est le contraire du vélo, la bicyclette. Une silhouette profilée mauve fluo dévale à soixante-dix à l’heure : c’est du vélo. Deux lycéennes côte à côte traversent un pont à Bruges : c’est de la bicyclette L’écart peut se réduire. Michel Audiard en knickers et chaussures hautes s’arrête pour boire un blanc sec au comptoir d’un bistro : c’est du vélo. Un adolescent en jeans descend de sa monture un bouquin à la main, et prend une menthe à l’eau à la terrasse : c’est de la bicyclette. On est d’un camp ou bien de l’autre. Il y a une frontière. Les lourds routiers ont beau jouer du guidon recourbé : c’est de la bicyclette. Les demi-course ont beau fourbir leurs garde-boue : c’est du vélo. Il vaut mieux ne pas feindre, et assumer sa race. On porte au fond de soi la perfection noire d’une bicyclette hollandaise, une écharpe flottant sur l’épaule. Ou bien on rêve d’un vélo de course si léger : le bruissement de la chaîne glisserait comme un vol d’abeille. A bicyclette, on est un piéton en puissance, flâneur de venelles, dégustateur du journal sur un banc. A vélo, on ne s’arrête pas : moulé jusqu’aux genoux dans une combinaison néo spatiale, on ne pourrait marcher qu’en canard, et on ne marche pas. C’est la lenteur et la vitesse ? Peut-être. Il y a pourtant des moulineurs à bicyclette très efficaces, et des petits pépés à vélo bien tranquilles. Alors, lourdeur contre légèreté ? Davantage. Rêve d’envol d’un côté, de l’autre familiarité appuyée avec le sol. Et puis… Opposition de tout. Les couleurs. Au vélo l’orange métallisé, le vert pomme granny, et pour la bicyclette le marron terne, le blanc cassé, le rouge mat. Matières et formes aussi. A qui l’ampleur, la laine, le velours, les jupes écossaises ? A l’autre l’ajusté dans tous les synthétiques. On naît bicyclette ou vélo, c’est presque politique. Mais les vélos doivent renoncer à cette part d’eux-mêmes pour aimer – car on n’est amoureux qu’à bicyclette. ""
La Première gorgée de bière, Philippe Delerm

5 commentaires:

  1. Toujours autant d'élégance dans ton travail de création... J'imaginé cette belle cycliste faire voler sa robe en grimpant en danseuse.

    Bravo

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    1. En danseuse, comme tu le sais, autre expression illustrée
      Merci, bon we

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  2. Elle est chouette cette série, tu as découpé dans des pages en braille ?
    Bon we

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  3. Eh non! c'est une sorte de surpiqure faite avec une épingle fine.
    merci, à toi aussi .

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  4. Je reviendrai faire quelques commentaires sur tes "petites reines" en vadrouille, toutes plus sympathiques les unes que les autres. Un réel plaisir d'avoir cliqué ce soir sur "article plus ancien" de ce blog.

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